Psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent
Psychopathologie de l’Enfant et de l’Adolescent
La naissance du sujet à son corps :
Le corps n’est que le langage. Ce n’est pas quelque chose de quantifiable, localisable. On travaille avec des concepts. La question du corps est complexe, c’est quelque chose qui ne peut pas être objectivé.
Un corps sans psychisme est un cadavre et un psychisme sans corps n’est rien.
Cela nous amène à la question du sujet, différent de l’individu. Il s’agit d’une entité, non désignable et localisable en dehors d’une situation. C’est pour cela qu’on l’appelle le sujet de l’inconscient. C’est quelque chose qu’on ne peut pas attraper. On peut rééduquer le sujet.
Concept : se différencie de la notion, vague, abstraite. Le concept est quelque chose de précis. Ca ne généralise pas, mais il peut traverser toutes les situations sans être touché. Il s’agit de quelque chose de stable. Il existe différents concepts.
I. Les concepts.
1. La pulsion :
Concept clé sans lequel la psychanalyse ne peut pas exister.
Pulsion : concept limite entre le psychique et le somatique. La pulsion est de l’ordre de la culture (dualité nature-culture). Dans la pulsion il y a la source (le corps biologique), le but (satisfaction) et l’objet (ce que vise la pulsion). C’est le fruit de la libido, énergie sexuelle.
Il faut la différencier de l’instinct, qui lui est de l’ordre de la nature, alors que la pulsion est de l’ordre de la culture (dualité nature-culture).
C’est à partir de ces trois concepts de la pulsion (source, but et objet) que Freud rend compte du fonctionnement et de la base du psychisme. Ces concepts ne sont pas abstraits.
L’objet de la pulsion ne sera jamais atteint, on sera toujours insatisfait. C’est grâce à cela que le psychisme fonctionne : car on n’arrive pas à atteindre la pleine satisfaction, ni l’objet de la pulsion qui est à jamais perdu. Tout cela se passe dans le corps.
On dit que le sujet est « normosé », pris dans une névrose normale, car il est pris d’un désir qu’il ne pourra jamais atteindre.
L’humanisation se fait du côté du langage, via la pulsion.
La mélancolie, l’ombre de l’objet tombe sur moi : l’objet perdu se confond avec le Moi. Le sujet n’est plus dans le semblable. Il est dans quelque chose de cruel, tout ce qu’il voit ou touche n’est que du « cru » et pas « cuit » (métaphore culinaire). Il voit les choses telles qu’elles sont, sans le masque qui lui permettait de tenir.
Le psychisme humain est l’objet de quelque chose qui fantastiquement l’a quitté, le sujet fantasme un objet qui a été amputé de son corps. Le sujet commence à fantasmer à partir de sa naissance. La perte originelle propulse le sujet vers une quête désirante de retrouver l’objet. C’est cette quête qui permet la mise en place de l’être humain, bâti sur du manque : permet la mise en place du psychisme.
L’être humain est basé sur le manque et non sur le plein. Il est dans un préjudice fantasmé (donc inconscient) qu’on lui a pris quelque chose. C’est ce manque qui va nous faire parler. L’acte de parole c’est rendre illusoirement un objet présent uniquement par la parole. Ca parle parce que ça manque. Chez l’être humain, la parole est sexuelle.
Comme disait Lacan, nous sommes des « parlêtres ». La parole est en elle même sexuelle et elle obéit à quelque chose qui est régi par le stade oral.
Chez Freud les stades sont des séquences du développement du psycho-sexuel. La pulsion est le fruit de la libido et tout est sexuel dans le sens.
La libido est une énergie sexuelle, dès que le sujet arrive dans le monde, il arrive dans un bain langagier, dans un état de détresse primitive/originelle.
Le sujet (le bébé) et l’autre (la mère), sont ensemble pratiquement tout le temps à partir de la naissance du sujet. C’est à partir de là que se construit le fantasme qu’ils ne sont plus qu’un. Du coup, quand il perd le sein (au sevrage), qui selon le sujet lui appartient et fait parti de son corps, il y a un ressenti de préjudice : « on m’a pris quelque chose qui m’appartient », car l’entité n’est pas encore constituée, les deux individus sont dans la fusion.
Winicott : « La mère donne un sein qui fait partie d’elle et l’enfant prend un sein qui fait partie de lui. »
On est dans une violence de sevrage, qui de toute façon va se refouler et donc va être oubliée, mais pas effacée. La rencontre avec le sein va donner une réelle satisfaction, c’est l’instant magique que le nourrisson recherche : il va essayer de reproduire ce moment, mais il ne pourra jamais y accéder. La bouche apporte le plaisir jusqu’au moment où l’oralité sera refoulée pour entamer le stade anal. Les traces de ce passage vont agir sur la libido.
La communication n’existe pas car nous sommes des êtres unanimes et subjectifs. Nous sommes intelligibles dans quelque chose. Il y a du faux semblant dans l’inconscient.
Nous avons d’autres objets pulsionnels : la voix, le regard, le tactile, etc.
Freud va mettre en place différentes topiques.
Topique : vient de topos qui signifie lieux, donc l’appareil psychique est caractérisé par l’existence de plusieurs lieux psychiques. Ce sont des théories sur des lieux psychiques. Il va distinguer deux topiques :
– La 1ère topique : le Conscient, le Préconscient et l’Inconscient (1914-1915). L’hypothèse de l’inconscient, qui doit être vérifiée à chaque rencontre, se construit avec le refoulement et la négation. L’inconscient ne connait pas le temps, la mort et la contradiction, il se constitue dans le fantasme de l’éternité. L’inconscient, le préconscient et le conscient sont des lieux. Le rêve n’existe pas, mais le récit du rêve (différent du rêve) existe. Il s’agit de deux choses différentes. Le récit du fait n’est pas le fait. Ce qui fait l’humain c’est l’oubli. Quand on met le rêve en mots, et par conséquent qu’il devient conscient, on l’oublie. Ces trois lieux montrent bien que le psychisme est déjà lui-même du au conflit. Cette topique vise à décrire l’origine des forces en présence dans l’appareil psychique. Le concept d’inconscient se rattache à cette première topique freudienne
– La 2ème topique : le Moi, le Ça et le Surmoi (1921), vise à décrire la nature de la relation de leurs forces.
2. Les pathologies modernes :
Le sujet développe des pathologies qui modifient leur psyché. Ils sont liés à des choses numériques.
Ces pathologies modernes sont les addictions (à la nourriture comme la boulimie, aux technologies, etc.). La civilisation des produits c’est une consommation qui produit du plaisir. Aujourd’hui, on ne court plus derrière un objet perdu, mais après un objet de consommation. La civilisation produit une consommation qui consume l’objet.
Il y a une mutation du lien social, une modification, un transfert du mot qui éloigne du langage, au profit du numérique.
Chaque culture a ses propres pathologies.
La mémoire en psychanalyse est l’inconscient, alors qu’en cognitive il s’agit du conscient.
La conscience est éphémère, elle doit se renouveler constamment. Sinon on parle de trauma. Lors du traumatisme, l’idée ne nous quitte pas. La conscience se nourrit dans les souvenirs. Dès que l’on pense à une chose, l’autre disparait. Les signifiants se bousculent les uns les autres.
L’inconscience se nourrit des souvenirs, dans les refoulés secondaires.
Chez l’être humain, l’intuition a remplacé l’instinct.
A la naissance, l’homme est dans le besoin (de manger, de respirer). Cette phase ne va pas durer longtemps et de ce besoin va naitre le désir, selon Lacan. L’être humain devient rapidement un être de désir. On va satisfaire un besoin pour retrouver une trace perdue : trace pulsionnelle derrière laquelle on court mais qui est à jamais perdu. Le trajet pulsionnel qu’on va faire est un trajet qu’on appelle le désir : il nait du manque de l’objet, c’est un désir de retrouver un objet manquant et non un besoin.
Dès la naissance, l’être humain est aliéné : l’amour et la haine sont les piles et faces de la pulsion. Il s’agit de l’énergie libidinale. Etant des êtres narcissiques, nous avons besoin des autres pour vivre. Ce qui est refoulé, des phases de développement, n’est pas oublié.
Les objets sont les causes du désir : le sein, l’anus, le phallus, la voix, le regard… Ce sont des objets qui sont à tout jamais perdus et qui vont orienter nos choix dans la vie. Le désir court derrière les objets sans jamais les rencontrer. Dans le cas où ils sont retrouvés, cela mène à la mort ou à la folie. La passion correspondrait à une pseudo rencontre avec cet objet de désir : il y a alors une relation passionnelle à l’objet.
Avec un certain nombre de difficulté, le traitement se fait par la parole.
Le rêve condense en lui un ensemble d’éléments. Si le cauchemar nous réveille c’est parce qu’il nous rapproche trop du désir. Les rêves ne sont pas des images interprétables mais des signifiants.
Des traces sonores refoulées peuvent aussi revenir sous forme déguisée.
On renonce à soi pour vivre avec les autres.
L’être humain se domestique lui même, mais par nécessité narcissique.
Il y a trois principes sur lesquels repose le psychisme :
– Economique : la circulation de l’énergie libidinale, sa source est le corps qui vise un objet pour sa satisfaction.
– Topique : lieux psychiques, toutes les parties du corps érotisé. Il y a deux topiques.
– Dynamique : les traces langagières restent toujours agissantes, ce n’est pas parce que c’est refoulé que ça n’a pas d’effet sur nous. Les blessures narcissiques sont des traces dynamiques : elles n’ont pas perdu de leur force depuis leur apparition, à la faveur de certains évènements elles peuvent se réveiller, et rester actives. Ces blessures nous renvoient à l’instant T de la sortie/entrée dans l’œdipe. Tout cela reste agissant. Si c’est refoulé pathologiquement, un élément déclencheur, peut entrainer des pathologies ou des caractéristiques personnelles. Elles réussissent à se déployer dans la vie du sujet d’une manière ou d’une autre, en donnant les symptômes.
Lavoisier : « Rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme. »
Il y a quatre objets (petit a) qui sont cause du désir : le sein (stade oral), le caca (stade anal), le phallus (stade phallique), la voix et le regard. Ces objets sont à tout jamais perdus, lors de la relation avec la mère. Ils orientent nos choix (amoureux, professionnels…).
La pulsion est une pseudo rencontre avec l’objet perdu. Les toxicomanes ont un lien pulsionnel avec leurs produits additifs.
Le système pulsionnel est un système langagier.
Le rêve condense en lui un certain nombre d’éléments, et de désirs refoulés.
Freud interprète les rêves comme des rébus. Ce ne sont pas des images du rêve qu’il faut interpréter, mais les signifiants, les mots du rêve.
Ex : une horloge avec l’heure, une bouteille de lait et la lettre « d », en travaillant sur les images on n’aboutit à rien, mais en travaillant sur les signifiants, cela donne « laideur ».
Il y a des choses auxquelles on ne peut pas avoir accès : les refoulés originels ne sont pas accessibles (ils fondent l’inconscient), à part dans le délire, mais il s’agit alors d’un délire.
Chez l’enfant, la haine déportée sur un objet extérieur permet de maintenir la paix avec les parents et aussi cela permet d’éviter cet objet réel. Si la haine est dirigée vers un objet qui devient un objet d’angoisse, on peut donc éviter l’objet source d’angoisse.
Le surmoi est un gendarme. Lorsque l’enfant sort de la castration il est coupable du meurtre et de l’inceste dans le fantasme. Le surmoi est là pour veiller à ce que cela ne se reproduise pas, il est là pour nous contrôler.
Névrose : phobie : déporte la haine/peur de castration sur un objet extérieur, angoisse transformée et localisée sur un objet ; on évite donc l’objet pour ne pas angoisser ; le surmoi (gendarme intérieur, héritier du complexe d’Oedipe) concerne aussi le lien aux autres (règles pour éviter l’anarchie) ; fonctionne dans l’hystérie (insatisfaction ; somatisation, séparation entre la représentation [qui est refoulée] et l’affect [se convertit sur le moi pour donner des symptômes]) comme dans la névrose obsessionnelle (surmoi hyperpuissant qui vampirise le sujet et le pousse dans une lutte incessante pour éviter l’angoisse [rituel, toc…], séparation entre le signifiant et l’affect, l’affect va passer d’une idée obsédante à une autre). Dans la névrose, le surmoi joue un rôle parce que le sujet est coupable.
Psychotique : inconscient à ciel ouvert (Lacan), délires visibles. Le surmoi n’est plus présent ; il n’y a pas eu de castration symbolique ; forclusion : le sujet est resté fusionnel à l’autre. Quand il y a décompensation, plus rien n’arrête le sujet ; absence totale de métaphore ; ils compensent donc avec l’abstraction. Dans la psychose, le surmoi à un rôle d’adaptabilité et non de vampirisation du sujet.
Pervers reste suspendu dans un moment œdipien « je sais bien mais quand même ». Le pervers va mettre sa loi à la place de la loi de castration. C’est le déni, le défi et le désaveu. Ce qui caractérise la perversion c’est l’absence de culpabilité. La relation au pervers est une relation à un objet jetable, destruction de l’objet pour des serials killer. Le pervers choisit ses objets de jouissance et pas inversement. Il n’y a pratiquement pas de surmoi. On a à faire à un sujet qui s’en fiche de tout ce qui tourne autour de lui, ce sont des sujets hyper narcissiques.
Psychisme humain comparé à un vase qui se brise selon des lignes spécifiques de fragilité.
Dans son auto-analyse, en correspondance avec Fleiss, Freud se rend compte que les récits de viol de ses patientes en hypnose ne sont pas réels. Il s’agit de l’interprétation d’un événement qui fait traumatisme psychique. C’est issu du fantasme. C’est ce qui va le mener à abandonner l’hypnose et à appliquer la talking-cure. Avec l’hypnose il n’y avait qu’un déplacement du symptôme et non une cure du symptôme.
Le fantasme est agissant dans le complexe d’œdipe.
3. Le refoulement :
Il y a trois types de refoulement :
– Refoulement originel : auquel on ne peut pas accéder.
– Refoulement primaire : on peut y avoir accès, il s’agit des souvenirs écrans.
– Refoulement secondaire : c’est le refoulement de tous les jours.
On refoule la représentation privée de l’affect. C’est donc la représentation des mots. L’affect n’est jamais refoulé, ce qu’on refoule c’est la représentation liée de mots. Le refoulé est lié à une expérience agréable ou désagréable. Quand on va se souvenir, quand il y a un retour du refoulé, ça ramènera l’affect qui lui n’est jamais refoulé.
A partir de 1961, Lacan a dit qu’il ne parlerait plus d’affect. Il met en place le terme de « signifiant verbal » qui n’est qu’un mot chargé d’un affect. A noter que tous les mots peuvent être potentiellement des signifiants mais tous ne comportent pas l’affect pouvant le rendre signifiant. Cette trace refoulée vient faire mouvement et pulse le sujet.
La première trace laissée par le refoulement originel est comme une langue indéchiffrable. Lacan l’appelle la lalangue. C’est une langue singulière issue de la rencontre corps-enfant et corps-mère, c’est la langue maternelle, qui est du coté de l’autre. Toute notre vie, on essaye de traduire la parole sans y réussir. Ce sont des traces constitutives du sujet, elles laissent des traces et déterminent le reste de notre vie (déterminisme). Ces traces ne sont pas la fabrication ou l’effet de l’autre sur nous, elles sont issues d’une co-fabrication issue de la relation sujet-monde. Le sujet revendique inconsciemment ce au quoi il n’a plus accès.
Après la Première Guerre, Freud s’est rendu compte que son étiologie sur les névroses ne correspondait pas aux névroses traumatiques qui sont apparues à ce moment là. Jusque là il affirmait que le Moi était conscient. Par la suite il travaille sur cette notion de névrose traumatique. Cela l’amène à dire qu’il y a une partie du Moi qui est inconscient. Même sans présenter des lésions physiques, certains soldats présentent des traumatismes. Le moi n’est donc que le Moi Corps qui est traumatisé : le corps est le Moi et le Moi est le corps, ces deux entités ne font qu’un.
Lacan nous amène l’idée selon laquelle un sujet est une structure du discours.
Une structure est l’organisation de l’ensemble des propriétés dont dispose un sujet, propriétés qui sont autant d’éléments qu’il conjuguera (inconsciemment) de manière singulière, originale, de telle sorte que la mobilité d’un élément entrainera nécessairement la modification de l’ensemble.
Dans la thèse lacanienne, cette structure se constitue dès les premiers moments de la vie et va se constituer sous le masque de la personnalité. Elle se déduit à travers son actualisation dans le langage.
En psychanalyse, la vérité c’est la manière dont le sujet va combiner ses expériences propres pour arriver à un résultat qui apparait pour tout le monde. Dans la relation psychanalytique, ce n’est pas le symptôme qui nous intéresse, mais c’est ce à quoi le symptôme est relié, les conséquences. Soigner un symptôme ne signifie pas que l’on va guérir, c’est accompagner le patient pour l’aider à comprendre.
En psychanalyse, le symptôme est ce qui permet au sujet de tenir. Il s’agit d’une fiction que l’on doit comprendre, déconstruire par des fictions théoriques et conceptuelles pour essayer de s’approcher au plus proche de son fonctionnement. Il faut être armé dans l’écoute par cette fiction.
La structure se fixe à un moment donné et ce à l’adolescence (au plus tard). La forme constante du fonctionnement psychique inconscient. Cette structure n’est pas une opération consciente, elle combine avec ses symptômes pour former quelque chose.
C’est à travers ça que le sujet existe, il va loger son existence dans un symptôme. Le sujet de l’inconscient se balade entre deux signifiants qui le représentent en retour. Ce sujet ne connait pas le temps, la logique, la mort. Dès qu’on commence à penser à la mort, on est pris dans l’angoisse de mort. L’affect central chez le sujet c’est l’angoisse, c’est l’affect des affectes. Cette angoisse est celle de la castration, c’est celle qui fait sortir l’enfant de l’œdipe et y fait rentrer la petite fille. Il suffit de voir le fonctionnement de l’humain pour comprendre qu’il ignore la mort, il vit comme s’il était éternel. Il y a donc, quelque chose qui reste du coté de l’éternité chez le sujet inconscient. Tout est possible d’un point de vue inconscient. La structure fait barrage et nous rappelle que pas tout est possible.
Classiquement la structure de sujet se distingue en trois structures principales :
– La structure névrotique : caractérisée par la question du refoulement et de la négation.
– La structure psychotique : caractérisée par la forclusion du nom du père.
– La structure perverse : caractérisée globalement par le déni, le défi et le désaveu.
On pense en termes de fixation théorique. Dans la prise en charge on ne s’intéresse pas à ça. C’est la combinaison, la manière dont le sujet a combiné ses symptômes pour arriver à ce résultat (structure particulière, histoire singulière) qui nous intéresse.
II. Qu’appelle-t-on un corps ?
La question n’est pas si simple. A partir de là, va naitre la thèse suivante : la question du spéculaire, ou ce que Lacan appelle le stade du miroir, serait le formateur de la fonction du Je, tel qu’il nous est révélé dans l’expérience psychanalytique. Même si Lacan parle de miroir plan, il place du coté de la parole de ses patients. Le transfert est avant tout un transfert dans les mots. Le patient nous donne une idée, qu’on transfert dans notre subjectivité. Lacan soumet toute la modélisation du corps à partir du stade miroir, qu’on pourrait plutôt appeler l’expérience du miroir.
La neutralité bienveillante, pour ne pas interpréter, juger. On doit entendre les mots que comme des mots (dans leur sonorité). On ne doit pas mettre d’image ou de sens ou quoi que ce soit. On est neutre car on dépouille le mot de toute signification, on ne garde que les sonorités. Mais c’est un exercice impossible : on ne peut pas enseigner la psychanalyse à l’université car elle se fait du coté des formations de l’inconscient. Ce qu’on nous enseigne c’est la métapsychologie, théorie de la psychanalyse. Cette dernière est une heuristique, c’est la mise en œuvre d’une méthode dans une relation intime avec le patient. Ce qui sort avec un patient ne sort pas avec un autre. Le psychanalyste se soigne un peu avec le patient. Pour guérir quelqu’un il faut croire à la normalité, qui n’existe pas.
1. Comment le sujet habite son corps ? Et comment il l’articule ?
La thèse lacanienne est que le sujet serait aliéné à une image.
Face à une glace, on se reconnait, même si l’image s’inverse. L’image que l’autre a de moi n’est pas celle que j’ai de moi. Un enfant de 18 mois porté par une personne et qui est placé devant un miroir se reconnaîtra mais verra une image unifiée avec la personne qui la porte, alors que le vécu du corps est un vécu morcelé. A ce moment là, l’enfant, par le regard d’une image unifiée, anticipe ce qu’il va devenir par la suite. Il s’agit là d’une anticipation imaginaire. La reconnaissance vaut l’identification. Or, en anticipant le devenir de son corps, on obtient une ébauche du moi. Le sujet s’aliène imaginairement entre ce qu’il est et ce qu’il pense être. Ce processus reste dynamique, s’inscrit, et sera le moteur de notre désir : toujours se prendre pour ce que l’on n’est pas. Ce décalage entre ce que je suis et ce que je crois être sera la mise en place de la pensée. Le corps est un reflet, un vécu anticipé. Notre pensée anticipe toujours et parce qu’on est habités par l’anticipation : notre corps fonctionne inconsciemment. Dès que l’on commence à fixer quelque chose du coté du fonctionnement corporel, on n’arrive plus à le faire très adroitement (respirer, marcher…). Dès que l’on veut dompter quelque chose, ça ne tourne plus rond.
Revenons à l’enfant face au miroir. Pour la première fois, il se voit voir. Cela introduit le sujet dans une inquiétante étrangeté : l’expérience du dédoublement, le déjà-vu, déjà-entendu. Ce moment-là, de dépersonnalisation, aurait à voir avec le fait de se voir voir. C’est ce qui fait le regard et ce qui fait aussi que regarder n’est pas voir. Le regard est un objet cause du désir.
Cette première identification à soi met en place l’ébauche du moi. Pour Lacan, notre première identification se fait à nous-mêmes, et à notre reflet. C’est donc le narcissisme. Quand on dit à l’autre « je t’aime » on est entrain de dire « je m’aime à travers toi ». L’amour est donc narcissique. Quand le sujet (bébé porté par un adulte) se voit voir, il voit aussi l’autre qui le porte. Il a alors la réaction de retournement vers l’autre. Il voit bien qu’il y a soi et l’autre. Le passage qui se fait du miroir au social, c’est-à-dire qu’il se reconnait en tant que sujet. Il se retourne et reconnait l’autre en sa qualité de sujet réfléchit. Cette reconnaissance de l’autre est aussi une reconnaissance des autres : c’est par cette expérience de retournement, de reconnaissance des autres que se met en place le « Je ». Le « Je » se fait à partir du Moi par rapport aux autres. Le « Je » est social, il n’a rien de consistant. Je suis « Je » par rapport à toi.
Le « Je » chez Lacan est un « Je » d’opposition : Je m’oppose à toi. Ce Moi va continuer d’être irrigué narcissiquement par l’entremise des petits autres. C’est en cela que je deviens un être social. Il se produit un transfert de ma relation à mon moi reflété dans le miroir qui se fait sur le social. Du coup, c’est les autres qui deviennent des miroirs pour moi. Nous sommes tous des miroirs les uns pour les autres. J’existe parce que je vois que tu existes. La présence de l’autre, le « Je » de l’autre, me renvoie à ma capacité de dire « Je ».
La mère fait l’enfant ou l’enfant fait la mère ?
Le réel innommable biologique pour faire l’enfant, l’imaginaire des parents qui s’imagine dans ce rôle et l’enfant qui donne symboliquement des signifiants aux parents. Les parents renvoient des signifiants à l’enfant. On devient des miroirs les uns par rapport aux autres. Nous recevons tous de l’autre notre propre message mais de manière inversée. Ce passage par les autres nous empêche de sombrer dans notre image (cf. : Narcisse, pour lequel il n’y a pas de tiers qui le sépare de son image). Ce tiers (l’autre, le social) se met entre moi et mon image pour définir toutes les relations (amour, haine, indifférence…). Pour l’autisme, il n’y a pas de tiers. Ce social imaginaire mis en place fait la différence entre le moi et le « Je ». Le sujet qui nait à son corps est en représentation avec des signifiants, car il est un sujet divisé entre « Je » et Moi. Lacan rajoute que l’expérience du miroir est l’émergence du sujet.
Mais qu’est-ce qu’il y avait avant ? Avant d’être sujets il est dans l’être : être fusionnel, indifférencié. Il sort de chaque chose qui serait un chaos avec l’autre. A partir de cet être émerge le sujet. L’autiste n’accède pas à l’état de sujet et reste du côté de l’être. L’état de jouissance totale est un état d’être, il n’y a plus de sujet. On redevient après sujet qui cherche à revenir à cet état de jouissance. C’est cette recherche qui fait que liquider la souffrance est complexe car le sujet y tient.
Il y a une aliénation à l’image qui donne l’imaginaire. D’après Lacan, nous sommes tous des aliénés à une image qui a été refoulée et qui nous constitue.
On ne vit son corps que parce qu’on n’en est pas conscient. Lorsqu’on s’observe en train de faire, et qu’on devient étranger à soi-même, on ne peut plus produire/vivre.
On a une image de nous qui est inconsciente, cela implique que lorsqu’on s’appelle on se reconnait. Derrière le signifiant qui fait notre prénom, on nous sépare. Ce prénom nous représente/signifie en tant que sujets.
Cette aliénation nous fabrique un imaginaire puisqu’elle est dynamique. Puisque l’inconscient ne connait pas le temps, ce qui est déposé en termes de représentation restera dynamique tout au long de la vie. Cette image a un effet sur notre existence en tant que sujet. Il y a cependant un décalage entre ce que l’on est et ce que l’on croit être. Cette image est virtuelle, et pour l’enfant qui entre dans le stade du miroir, qui se reconnait pour la première fois, il n’y a pas encore une identification à l’image. Cette dernière est décalée dans le temps : l’enfant va s’identifier à ce qu’il va devenir. Ce décalage restera dynamique toute la vie. On est toujours dans cette aliénation qui est de se prendre pour ce qu’on n’est pas et de se voir là où on n’est pas.
Dans la reconnaissance à soi, dans le narcissisme, dans l’amour de soi, on se sépare de cette image par identification aux autres, par nos semblables. C’est les « petits autres », qui est différent du « grand Autre » qui est le langage.
Le « grand Autre » est ce que Freud aurait appelé inconscient. C’est une sphère de représentations originaires et primaires auxquelles nous n’avons jamais accès mais qui irriguent notre façon d’être au monde. La lalangue, qui fait partie du « grand Autre » est une langue inarticulable, qui se constitue dans le rapport à la mère. La façon dont s’est constitué le « grand Autre » va déterminer nos choix de vie. Ce qui guide nos choix c’est l’ignorance sur la raison qui nous pousse à les faire. C’est une instance de représentation inarticulable : c’est quelque chose qu’on ne connait pas mais qui nous fait agir d’une certaine façon. Ordre symbolique déterminant le sujet.
Le « petit autre » c’est l’altérité, les semblables. Lorsqu’on est dans le rapport avec le « petit autre » c’est via le « grand Autre ». Et inversement. Image prise pour autrui.
La complaisance est un choix fait par l’autre pour placer un affect non représenté. Dans la névrose hystérique il y a une séparation entre représentation et affect : le premier est refoulé et le second se déplace d’idées obsédantes en idées obsédantes. La question des phobies est quelque chose d’archaïque. C’est quelque chose de constitutif au moment de la castration.
L’œdipe est dynamique et continue à exister même une fois qu’on dit que le sujet est sorti de l’œdipe.
Quand il n’y a pas de semblables, le lien social s’instaure d’une manière particulière. On peut passer du semblable à l’identique. Cela donne le discours raciste. Il n’y a plus de sujet, il n’y a que des masses contre d’autres masses. L’effet du miroir ne fonctionne plus de la même manière. Je ne réfléchis plus en tant que « Je », mais je me pose en tant que « on ». Il n’y a plus de miroir où se réfléchit le sujet, mais des miroirs où se reflètent des blocs. Lacan avait prédit que l’avenir de l’humanité serait « le racisme » (grosso modo). Le « grand Autre » ne va plus être celui qui irrigue, mais celui qui persécute le sujet. A tel point qu’on va projeter cette haine, que j’ignore mais qui m’habite, vers d’autres qui ne nous paraissent pas des semblables.